Bienvenue sous le Tipi, aujourd’hui nous découvrons Damien Vandermeersch : juge d’instruction, entre justice, mémoire et engagement
Dans cet épisode de Sous le Tipi, nous avons eu le privilège d’écouter Damien Vandermeersch, ancien juge d’instruction, professeur et avocat général à la Cour de cassation. Pendant près de deux décennies, il a été au cœur des procès les plus sensibles de Belgique, dont les tout premiers liés au génocide des Tutsis au Rwanda. Son témoignage nous plonge dans une quête de vérité où le droit devient un outil de reconstruction, de lucidité et d’humanité.
Un engagement né d’une passion
Damien Vandermeersch n’a jamais suivi un plan de carrière. Il a suivi une passion. Son parcours commence dans les camps de jeunes, puis au barreau, où il défend les plus vulnérables.
« Ne suivez pas un plan de carrière, suivez une passion. Trouvez ce qui vous fait vous lever le matin. Engagez-vous, devenez compétent. Soyez utile. Et surtout, restez humain. »
Ce rapport à la justice comme outil d’aide plutôt que d’autorité le guidera tout au long de sa carrière. Quand il devient juge d’instruction, il garde cette boussole : agir avec humanité, même dans les contextes les plus inhumains.
Plonger dans l’irréparable
C’est le ministre de la Justice de l’époque qui lui confie les premiers dossiers liés au génocide rwandais. Un choix politique, mais aussi une nécessité face aux attentes des familles rescapées. Il se rend sur place, découvre l’ampleur du crime, et en revient profondément marqué.
« Le génocide, ce ne sont pas des chiffres. Ce sont des visages. »
Trois images le hantent : une fosse commune d’enfants, une église soufflée par des grenades, une femme sauvée par son enfant qu’elle portait sur le dos. À travers ces fragments, c’est toute une humanité massacrée qui refait surface.
Comprendre l’horreur, sans la justifier
Ce qui frappe Damien Vandermeersch, ce n’est pas l’extrême monstruosité des auteurs, mais leur banalité.
« Ce n’étaient pas des monstres. C’étaient des gens comme vous et moi. »
Professeurs, infirmiers, religieux : des figures du quotidien happées par une logique de crime. Le génocide n’est pas un dérapage. C’est une organisation méthodique, alimentée par la peur et l’idéologie.
« Quand les autorités deviennent meurtrières, il faut des repères solides. Sinon, on suit la logique du crime. »
Le piège du moindre mal
Dans toute guerre, il y a ceux qui participent, ceux qui fuient, et ceux qui « collaborent pour limiter les dégâts ». Ce calcul est dangereux.
« Le problème de ceux qui choisissent le moindre mal, c’est qu’ils oublient très rapidement qu’ils ont choisi le mal. »
Pour le juge, comprendre ces mécanismes ne signifie pas excuser. C’est refuser le simplisme, pour mieux prévenir.
Le droit comme boussole
Dans un monde saturé de récits concurrents, le droit offre un cadre. Il ne cherche pas à prendre parti, mais à nommer clairement les faits.
« Le droit permet de sortir de la logique de l’un contre l’autre, sans être neutre pour autant. Il nomme les choses. »
Restaurer le lien, pas imposer la force
Damien Vandermeersch plaide pour une justice qui ne se limite pas à punir, mais qui cherche à réparer. Il défend la justice restauratrice comme complément au système pénal.
« La justice restauratrice, c’est envoyer quelqu’un à ses responsabilités, pas en prison. C’est le lien, pas la force. »
Ce type de justice vise à rétablir le dialogue, même symbolique, entre victime et auteur. Là où la prison isole, la parole reconnecte.
Résister à l’exclusion
Pour Damien Vandermeersch, tout commence par la reconnaissance de l’autre. Le génocide repose sur une logique d’exclusion radicale.
« L’avenir, c’est l’inclusion. En Afrique du Sud, ils ont dit : la minorité blanche a encore une place ici. »
L’exemple sud-africain montre qu’une société peut choisir l’ouverture plutôt que la vengeance.
Être utile, aimer son métier
Face à l’horreur, on pourrait s’attendre à l’épuisement. Mais ce qui fait tenir, c’est l’amour du métier.
« Ce qui fait tenir le coup, c’est d’aimer son boulot. Mes journées étaient trop courtes. Mes semaines aussi. Même mes vacances. »
Cette passion pour la justice l’a protégé du désespoir. Elle lui a donné l’élan de continuer, procès après procès.
Une parole pour les générations futures
Damien Vandermeersch ne parle pas seulement aux juristes. Il s’adresse à tous ceux qui cherchent leur voie, leur utilité, leur place dans le monde. Avec lucidité.
« Je suis réaliste, pas optimiste. Mais d’autant plus combatif. »
Son message n’est pas une leçon. C’est une invitation à rester éveillé, à ne pas céder à l’indifférence.
Conclusion : transmettre le juste, garder l’humain
Ce témoignage n’est pas seulement un regard sur le passé. C’est une parole pour aujourd’hui, et pour demain. Une invitation à choisir la vérité, le droit, la nuance. À refuser la haine, l’oubli et l’exclusion.
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Sous le Tipi, c’est l’envie de capter des voix singulières, de faire entendre des parcours inspirants, et d’offrir à chacun l’occasion de trouver son propre fil rouge – que ce soit par simple curiosité ou par désir d’aligner passion, liberté et humanité dans sa vie quotidienne.
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